Déconfinement

Voilà deux mois que la planète tourne au ralenti… en tout cas économiquement car pour le reste, notre bonne vieille Terre continue sa révolution autour du soleil au même rythme, imperturbablement, COVID ou pas COVID. Et « grâce » au confinement assez long des humains, la nature reprend ses droits. L’atmosphère devient plus respirable, les bruits de circulation sur les routes et dans les airs ont fait place aux chants d’oiseaux, les mers se « repoissonnent », les animaux sauvages prennent davantage leurs aises et se risquent dans les villes…

Ils vont en tirer une drôle de tête, les animaux, lorsque nous seront tous déconfinés… Et nous? Qu’en est-il de nous? Notre nature n’a-t’elle pas aussi repris ses droits? Comment va-t-elle s’y retrouver, notre nature, une fois que la planète reprendra pleinement son rythme infernal?

Pour ceux qui ont continué à travailler à rythme encore plus cadencé qu’avant le confinement – en première ligne pour faire front à la pandémie, ou en télétravail, à assumer enfants à « éduqu’instruire » 24h/24 -, revenir au rythme habituel sera une délivrance… Moins pour les autres, pour qui le ralentissement à l’échelle mondiale et la mise au chômage forcée a pris les tournures d’une véritable parenthèse de respiration.

Se trouver plus de huit semaines en dehors du rythme soutenu « métro-écrans-boulot-écrans-dodo » facilite le retour au rythme naturel, bon pour la santé. Être hors des stimuli de la société moderne permet d’être plus à l’écouter de son son rythme intérieur et de le respecter… Quand on a du temps pour soi et que plus rien ne presse, on peut davantage faire ce que l’on sent de faire que ce que l’on a à faire. De toutes façons, toutes les échéances sont remises à (bien) plus tard, impossible d’anticiper.

Cet espace-temps obligé est un luxe sans précédent pour certains, une opportunité exceptionnelle d’expérimenter une autre notion du temps, propice à la reconnexion à soi… Il y a dans nos esprits une telle confusion entre « ne rien faire » et « prendre son temps pour vivre lentement » que vivre de manière « organique », respectueuse de notre rythme physiologique » semble – ou j’ose espérer « semblait » depuis le confinement ? – pour beaucoup impossible, absurde, inacceptable ou stressant.

Vivre de manière moderne, c’est courir. On court sans cesse. Après le temps, après l’argent, le bonheur, la santé, et surtout après l’amour et la reconnaissance. On court après la montre, après le bus, le métro, le train, l’avion presque raté. On court de la maison au travail puis du travail à la maison, d’un rendez-vous à l’autre, d’un plaisir à l’autre, d’un projet aux suivants, d’une envie à celle d’après. Pour être plus performant ? Plus heureux ? Mieux dans sa peau ?

On court tellement que pour certains, ralentir et se reposer quand le corps le demande, et même parfois dormir, est devenu une perte de temps. Il faut dire que pour nos sociétés modernes, le temps est surtout économique. « Le temps, c’est de l’argent » et « plus ça va vite, mieux c’est ». Le progrès va sans cesse dans le sens de la vitesse.« Il faut avancer, car ce qui n’avance pas recule ». Logique qu’il y aie tant de burnouts avec ce rythme de vie vertigineux… et même que la planète entière soit en burnout!

Comme pour tout, il y a du positif et du négatif dans le confinement. Et c’est là certainement un de ses cadeaux : plus rien ne sert de courir! Le temps est suspendu, et pour la toute première fois, la planète s’offre un moment de chrysalide collectif forcé, qui nous sort de notre boulimie d’activités et de notre consommation effrénée. Même la nature peut souffler!

Et là : merveille! Lâchés par une société qui joue sans cesse les GO* et qui nous gave d’opportunités toutes plus alléchantes les unes les autres (qu’il faut saisir absolument tout de suite, il ne faudrait quand même pas rater une affaire!), on redécouvre l’ennui. Et on se rend compte qu’on est certes plus très habitués à s’ennuyer, mais qu’on n’en meurt pas. Au contraire, c’est peut-être bien cet ennui qui stimule notre créativité? On réapprend petit à petit à être des GO pour soi.

Confinés, on retourne aux plaisirs simples de la vie : cuisiner, coudre, lire, jardiner, dessiner, jouer de la musique, bricoler, se raconter des histoires, inventer des jeux stupides et rigolos, prendre du temps en famille, prendre des nouvelles virtuelles des gens qu’on aime, être au rendrez-vous avec les voisins pour applaudir tous ensemble dans le quartier… Et comme tout ce qui est rare est cher, même les plus sédentaires retrouvent le plaisir de sortir au grand air pour marcher un peu, voire se promener dans la nature.

Les semaines passent et les journées sont finalement bien remplies. On va bien, sans courir comme avant, sans faire faire faire, sans produire ni consommer autant. Du coup, excellente nouvelle, on se rend compte que nos vrais besoins ne sont pas si nombreux. Parmi eux : être assuré d’avoir un toit, manger, boire, dormir, bouger, aimer et être aimés… A-t-on tellement besoin de plus? Le confinement transforme les repères de nos priorités :

  • Cette obligation de distanciation sociale nous rappelle combien nous sommes, nous les être humains, des êtres de lien. Quelle créativité déployée pour parvenir à se relier malgré la distanciation sociale, pour partager notre humanité, même avec des semblables que nous ne connaissons pas! Les contacts virtuels, les échanges de blagues et d’infos plus ou moins éclairées sur les groupes WhatsApp et autres permettent de garder le lien.
  • Le confinement nous rappelle aussi qu’on « survit » bien, même très bien, sans nécessairement courir dans les shoppings, sans avoir la dernière fringue à la mode ou le gadget dernier-cri, sans se bousculer dans nos endroits branchés de prédilection, et même sans se rendre à des concerts, festivals ou se poser sur des plages de rêve qu’on avait imaginé pour nos vacances.

C’est évidemment (très) frustrant de rater tout cela, mais ça nous permet de faire le tri et de refaire des choix. Certains de nos soi-disant « besoins de base » ne le sont peut-être pas? Peut-être répondent-ils davantage aux diktats sociétaux de l’innovation, de l’avoir et de l’apparence qu’à notre réel équilibre et notre épanouissement. Ils nous apportent certes du plaisir ou de la reconnaissance, mais nous coûtent davantage (en argent et en énergie-temps pour le gagner) que le bien-être souvent instantané qu’ils nous procurent.

Avec le confinement, le temps s’allonge et prend une toute autre valeur. Et nous sommes nombreux à nous rendre compte que finalement, un des vrais luxes dans la vie, c’est d’avoir du temps pour respirer. Avoir du temps pour faire les choses que j’aime et qui compte vraiment pour moi, c’est ça la qualité de vie .

Hélas, les habitudes ont la peau dure et la grande machine économique sait comment nous appâter comme des papillons autour d’une bougie allumée… Très probablement, il suffira que tout soit relancé pour oublier ce que l’on a éprouvé et revenir à notre mode de vie stressant. Comment adapter ma vie pour continuer de vivre au juste rythme qui me correspond ? Comment prendre soin de moi? Comment continuer à ralentir pour mieux sentir ce qui est bon ou pas pour moi, tout le contraire de ce qui est généralement demandé?

Tant que l’on s’en souvient encore, avant le déconfinement, peut-être pouvons-nous refaire des choix et imaginer des aménagements anti-stress? Voici une piste de questions :

  • Dans mes activités (loisirs, travail, famille), qu’est-ce qui est essentiel pour moi et qu’est-ce qui ne l’est pas?
  • Qu’est-ce que je peut faire, retirer dans mon agenda pour avoir du temps pour moi?
  • Quels sont les faux besoins que la société me construit de toute pièce auxquels je ne résiste pas? Suis-je d’accord d’en payer le prix (ex: je travaille comme un âne à longueur d’année pour m’offrir une fois par an des vacances de luxe)?
  • Suis-je d’accord avec le temps de qualité qu’il me reste après celui que je consacre pour satisfaire mes « besoins-envies » ou « besoins-soi-disant-obligations » ?

Ce petit topo est utile d’un point de vue personnel, mais aussi à l’échelle planétaire. Avec la pandémie du COVID 19, on voit le lien étroit entre le fait que l’homme est l’espèce capable de supprimer le plus grand nombre d’autres espèces vivantes et de détruire la plupart des habitats naturels, et que les virus ont trouvé en l’homme, l’espèce dominante, le meilleur moyen pour se propager. Les crises sanitaire et écologique ont la même source : notre mode de vie et de développement…

Le monde est en métamorphose… Cette période sans précédent offre l’opportunité de prendre conscience de nos habitudes et de notre train de vie. Si l’envie de lecture vous prend, mon livre “Génération burnout. Un monde en métamorphose” est tout à fait “de saison” : à lire au gré des chapitres qui vous appellent, sans obligation de suivre la linéarité, vous y trouverez une réflexion sur le monde et ses habitudes “modernes”, mais aussi plein d’astuces et petits exercices pratiques… Histoire d’approfondir votre propre réflexion sur vous et votre mode de vie.