Couple et amour

Quand deux personnes se rencontrent, ce sont deux planètes qui se rencontrent.

Chaque personne est un univers mystérieux, un être complexe plus ou moins conscient de l’impact de son passé (de son histoire avec ses succès et ses beaux souvenirs, mais aussi son lot de regrets, remords, échecs, erreurs), de son présent (son contexte, sa situation « assumée » ou non) et de son futur (ses élans, ses rêves, ses attentes, ses demandes de réparation du passé), qui ne manquent pas de paramétrer le succès ou non de la relation.

Au plus on souhaite rencontrer quelqu’un, au plus on a envie de projeter sur la rencontre le mythe du prince charmant et de la princesse tout aussi charmante, dans un monde idéal où tout est possible, où l’un généralement va venir sauver l’autre (de la fadeur de son quotidien?) et ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. Bon, l’histoire des multiples contes d’Amour reste bizarrement muette sur leur gestion du quotidien et la qualité de leurs interactions après cette sublime rencontre de deux êtres parfaits faits l’un pour l’autre…

N’avez-vous pas remarqué comme grand nombre d’entre nous, prêts – voire avide – de vivre enfin l’Amour et THE rencontre, a une idée claire de la relation qu’il/elle a envie de vivre? Beaucoup même font des demandes claires à l’univers : « Univers, merci de me faire rencontrer une femme blonde, sexy, fidèle, pas chiante, qui me laisse libre d’aller rejoindre mes potes au foot quand je veux »… ou bien « Univers, envoie-moi un homme viril, riche, gentil, serviable, qui aime les enfants et qui m’emmène régulièrement dans les plus beaux endroits du monde »… Il ne reste plus qu’à procéder au casting et engager la personne qui semble a-priori parfaitement convenir au rôle qu’on a envie de lui faire jouer!

Jusqu’à ce que, hélas, on se rende compte que ce/cette partenaire ne remplit pas tout à fait nos attentes, ne reste pas dans le rôle qu’on lui donne (non mais!!!), ne répond plus à nos conditions pour l’aimer… La princesse ou le prince charmant finit par manquer de charme, à prendre des libertés par rapport au script prévu… heureusement qu’on peut lui donner son C4 pour partir à nouveau en quête du Graal de l’Amour!

Tant qu’on reste à la périphérie de la rencontre de l’autre, qu’on ne lui laisse jouer qu’un rôle plutôt que d’avoir la curiosité d’apprendre à le/la connaître tel(le) qu’il/elle est véritablement, impossible de vivre une relation d’Amour.

Au départ de la relation, seules les périphéries se rencontrent. Lorsque les périphéries se rencontrent, on « fait connaissance »… que l’on confond souvent avec « être amoureux ». On prend contact l’un avec l’autre, de l’extérieur, juste à partir du bord.
Fréquemment, au plus on manque et on recherche à être comblé(e) par l’Amour, on a tendance à appeler la rencontre « Amour ». C’est une erreur que de donner tout son cœur sans savoir réellement qui est l’autre, si on est compatibles, si on est tout les deux capables de prendre soin l’un de l’autre et de la relation. Faire connaissance n’est pas aimer.

Une simple rencontre et nombre d’entre nous pense qu’enfin l’Amour est arrivé. Les périphéries se touchent et nous croyons que nous nous sommes rencontrés, que nous sommes fait l’un pour l’autre (on se comprend sans même avoir besoin de se parler). On n’est pas notre périphérie. La périphérie est la frontière où nous finissons et où commence le monde. Au centre, il y a nos valeurs spécifiques et propres à nous-mêmes, le lieu protégé de notre essence particulière.

Le mariage n’exclut pas le fait que la relation reste à un niveau périphérique. Des époux de longue date peuvent rester des étrangers l’un pour l’autre et ne pas se connaître intimement l’un l’autre. Et hélas, au plus on vit avec quelqu’un sans jamais le rencontrer, au plus on compense par des projets ou des conflits qui nous permettent d’oublier complètement que nos centres sont restés inconnus.

La relation sexuelle reste une relation superficielle – physique, corporelle, mais toujours périphérique. A moins que les centres ne se rencontrent, « faire l’Amour » n’est que la rencontre (certes agréable) de deux corps. Et la rencontre de deux corps n’est pas votre rencontre.

Quand on fait une rencontre qui nous bouleverse affectivement, toute notre physiologie est impactée : nous produisons pendant 12 mois à 3 ans un cocktail hormonal propice à la rencontre (et à l’accouplement, pour la survie de l’espèce : la nature est bien faite!). Ces hormones nous mettent dans un état d’ouverture et d’accueil de l’autre, mais elles ont aussi tendance à favoriser un réflexe psychologique: nous avons tendance à faire des projections de qui est l’autre. Pour nourrir ces projections de l’autre-partenaire-idéal-à-l’Amour, nous ne manquerons pas d’amplifier ce qui dans les échanges peut nous permettre de croire à nos projections, et, si nécessaire à faire un déni pur et simple de ce qui pourraient nous montrer que nous nous trompons complètement. En réalité, ce n’est pas l’autre que nous rencontrons mais nos projections, jusqu’à ce que la réalité et/ou la chute d’hormones amoureuses nous réveillent.

Souvent, dure est la chute: « Comment cela a-t-il pu se produire alors que j’é-tou-ffais pour que ça marche »? On se sent trahi(e), blessé(e), on ne fait plus confiance à l’Amour, on décide même qu’on ne veut plus ouvrir son cœur.

Dommage, car est-ce bien l’Amour qui est à remettre en cause? N’est-ce pas notre manière de l’approcher, de vouloir s’en saisir sans l’apprivoiser?

Alors, changeons de tactique!!! Lors d’une belle rencontre, profitons de ce cocktail hormonal qui favorise le rapprochement et les ajustements pour construire une vraie et belle relation.

Au plus la relation croît en intimité, au plus les partenaires s’apprivoisent et parviennent à devenir vraiment proches, au plus la rencontre devient profonde, et seulement alors, peu à peu, les centres commencent à se rejoindre. Lorsque les centres se rejoignent, la rencontre devient relation, et la relation peut devenir Amour.

L’amour est chose précieuse, qui ne se trouve pas sous chaque pierre ou rencontre. On n’est pas compatible avec n’importe qui. Et tant qu’on ne tente pas la rencontre et les interactions, on ne peut savoir s’il y a compatibilité ou non, on n’a pas les infos. Ne confondons donc pas « rencontrer », « faire connaissance », « être en relation », « former un couple » et « vivre l’Amour ».

Rencontrer quelqu’un dans son centre, c’est passer soi-même par une révolution : pour rencontrer quelqu’un dans son centre, il nous faut lui permettre d’arriver lui aussi à notre centre. Il nous faut devenir vulnérable, sincère, ouvert(e). C’est clair que laisser arriver quelqu’un jusqu’à notre centre est risqué, dangereux. On ne sait pas ce qu’il va en faire. C’est pourquoi il faut s’octroyer du temps pour bien se connaître l’un l’autre et s’ouvrir doucement. Regarder ce qui nous unit mais aussi ce qui nous sépare. En parler. S’ajuster. S’assurer de la bienveillance mutuelle avant de mettre l’autre au centre de sa vie, au cœur de son cœur.

La confiance en l’autre ne se donne pas, elle se construit au gré des interactions et de l’expérience commune. Elle se confirme ou elle s’infirme. Et elle n’est pas globale. On peut faire confiance à une personne qu’on aime pour quelque chose, en réservant notre confiance pour certaines autres choses/domaines dans la relation. Et ce n’est pas grave de ne pas avoir une confiance aveugle et totale dans l’autre, que du contraire! C’est être réaliste, connaître vraiment son/sa partenaire et lui permettre d’être lui/elle-même, accepter ses défauts! Pourquoi se faire mal là où ça fait mal? Ne comptons pas que l’autre soit digne de confiance là où il ne l’est pas! Agissons en fonction!

En bref, on peut « jouer » à être en relation, mais on ne peut véritablement permettre à quelqu’un de pénétrer jusqu’à notre centre (au cœur de nous-même) que si nous sommes en confiance. Vivre sa relation dans la peur et cultiver le souvenir de nos anciennes blessure de cœur empêche tout opportunité de vivre une relation profonde. Rester craintif/ve sabote très vite la rencontre. Nos craintes, nos doutes nous empêchent de lui permettre d’entrer en nous jusqu’à notre cœur. On tolère l’autre seulement jusqu’à un certain point, et puis c’est la fermeture…

La question n’est pas tant « Comment trouver l’Amour? », mais « Qu’est-ce qui m’empêche de trouver l’Amour? », que l’on soit célibataire, « célibattant(te) » ou déjà en couple. Osons soigner nos peurs et notre capacité d’être en relation pour s’ouvrir à une rencontre intime de l’autre.