Global burnout

Le Burnout est né au sein de l’entreprise, mais je constate dans mon travail d’accompagnement que beaucoup d’individus souffrent d’un Burnout qui n’est pas uniquement, voire aucunement d’origine professionnelle. Certaines personnes burnées qui viennent me voir ont un contexte professionnel qui ne leur cause aucun stress. Le stress chronique est ailleurs.

Selon mon expérience, le Burnout est le résultat de la conjonction d’un ou plusieurs facteurs, dans la vie privée et/ou en entreprise :

  • des facteurs d’ordre personnels
    – Profil de personnalité : hyper-performance, conscience professionnelle disproportionnée, sentiment d’être indispensable…
    – Contexte privé difficile : rupture, décès, deuil, dettes…
  • des facteurs d’ordre organisationnels
    – Manque de back-ups ou de soutien organisationnel
    – Hiérarchie multiple et contradictoire ou contexte avec injonctions contradictoires
    – Ressources qui ne permettent pas d’atteindre les objectifs
    – Changements structurels qui dépassent 20%
    – Job descriptions peu clairs
    – Surcharge de travail
    – Valeurs contradictoires
  • des facteurs d’ordre relationnels
    – Manque d’équité, de réciprocité
    – Manque de cohésion, d’engagement affectif
    – Manque d’autonomie
    – Compétition, rivalité
    – Manque de reconnaissance
    – Manque de récompense
    – Climat d’insécurité
    – Rumeurs
    – Violence (physique/mentale), harcèlement…

Le Burnout n’est-il pas le symptôme, le cri d’alarme d’une société qui n’est plus suffisamment « organique » (favorable physiologiquement) pour les individus qui la composent? Avec la mondialisation, la planète entière ne frise-t-elle pas un Burnout global?

Les microcosmes que sont l’entreprise et la famille fonctionnent en majorité sur les bases, règles – voire diktats de la société macrocosmique. Ils véhiculent, transmettent la même échelle de valeurs, et bien entendu, les comportements qui en découlent.

  • un sens aigu de la compétitivité
  • une valorisation de la force plutôt que de la vulnérabilité et/ou de l’authenticité
  • un plus fort investissement dans l’image, le paraître que dans l’être
  • une injonction paradoxale de se conformer et de sortir du lot
  • une peur de la diversité
  • un principe d’individualité qui prime sur celui de la collectivité
  • une évaluation de la réussite personnelle selon des critères majeurement matériels
  • une boulimie de stimulations visuelles et auditives
  • une propension au polychronisme (faire plusieurs tâches à la fois)
  • une rapport au temps bloqué sur la 4ème vitesse
  • un goût prononcé pour la virtualité et ses nouvelles technologies
  • une glorification de l’hyper-(ré)activité
  • une obligation à l’ultra-disponibilité
  • une hyper-valorisation de  l’innovation
  • une inscription dans le principe d’obsolescence programmée
  • un culte du jeunisme et du « zéro défaut »
  • une illusion de toute-puissance
  • une confusion entre besoin de reconnaissance et recherche de pouvoir/dominance
  • un amalgame entre besoin de sécurité et contrôle
  • une boulimie de renouveau
  • un non-engagement dans la durabilité
  • une faculté de dénier, repousser, zapper ses besoins vitaux organiques

Bien entendu, toutes les valeurs et modes de fonctionnement prônés par notre société actuelle ne sont pas à rejeter en bloc, loin s’en faut! Dans son sillon, la génération actuelle et son nouveau mode de vie, les multiples innovations et technologies de pointe ont apporté beaucoup de progrès, de confort et ont permis à d’autres facultés humaines d’émerger et de se développer : notamment la souplesse, la rapidité, l’esprit d’innovation, la flexibilité, la polyvalence, les facultés d’adaptation et d’apprentissage…

Mais le bilan s’impose de lui-même : jamais auparavant autant de personnes en Belgique et ailleurs n’ont souffert de dépression et de Burnout. La consommation d’antidépresseurs et d’anxiolytiques est alarmante. Beaucoup d’entre nous fonctionnent en mode « automatique », confus, vides, plus ou moins isolés dans leurs interactions humaines majoritairement virtuelles, insensibilisés, déconnectés de leurs sensations, de leurs besoins et sentiments véritables. Notre santé tant mentale que physiologique n’est pas au mieux. Bien que la recherche du bonheur et du bien-être sont des thèmes qui n’ont jamais été aussi actuels qu’aujourd’hui, la structure, l’organisation et le fonctionnement-même de notre société postindustrielle est propice à créer les facteurs à risque du Burnout.

Nous vivons dans un monde terriblement anxiogène. Ou plus exactement : l’image que nous en donnent les médias est terriblement anxiogène. Les JT n’en ont que pour les conflits, les faits divers, le terrorisme… alors que la décennie 2000-2010 a été la moins meurtrière de toute l’humanité! Dans nos pays industrialisés, la majorité d’entre nous a les capacités d’assouvir ses besoins de base (manger, boire, respirer, dormir…). L’être humain de la civilisation post-industrielle cherche à améliorer son quotidien, son bien-être, son épanouissement personnel.

Qui suis-je? L’hyper-narcissisme galopant, l’auto-promotion sur les réseau sociaux ainsi que la recherche de l’audimat à travers le buzz-à-tout-prix (quitte à me mettre en danger ou à offrir à mes auditeurs le pire de moi-même) ne sont-ils pas une tentative maladroite de donner corps à des identités trop peu intégrées?  L’abondance des selfies, le succès grandissant des GoPros et autres technologies qui permettent de se regarder vivre, faute de se sentir vivant, ne sont-ils pas le signe d’une société en souffrance, qui ne sait plus savourer l’instant présent?

Pour réhabiliter le bien-être, ne faudrait-il pas refaire davantage de place :

  • à la santé (prendre soin de ses biorythmes, faire régulièrement de l’exercice physique, travailler mieux mais non pas plus longtemps et se ménager des plages de pauses),
  • à la vie de famille et aux liens sociaux (instaurer des rituels de rencontre sympas avec nos proches, ),
  • à la liberté d’être (accepter ses émotions, se permettre d’être humain et choisir comment remédier ),
  • à la gratitude (sortir de l’auto-apitoiement et se focaliser sur ce qui va bien dans notre vie, développer de la reconnaissance pour ce que l’on a : on peut être heureux même dans l’adversité car celle-ci nous connecte bien souvent à l’essentiel!)
  • aux projets qui font vraiment du sens (oser prendre des risques, s’écouter soi et arrêter de se comparer aux autres)?